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© Emma D - 2007-2024
Pour Jacques Ousson, mon père
Ne pas ajouter à la masse informe des images qui nous écrasent chaque jour une image dépourvue de sens, visant seulement à séduire un public abêti. Tel devrait être le Credo de tout peintre qui se respecte, tel est ce à quoi est parvenu Jacques Ousson sur l’ensemble de son œuvre.
Sa peinture m’a accompagnée depuis l’aube de la vie, comme une évidence, à tel point que j’ai pu parfois oublier que c’est par elle que se sont forgés mon regard et ma sensibilité. J’ai grandi dans Les ateliers, Les passages, Les Loires, auprès des Hortensias… Redécouvrir toutes ces œuvres aujourd’hui est comme plonger aux sources. Si certains souvenirs se teintent parfois de déception au passage des ans, ici, c’est tout le contraire qui se produit. Le temps passé, la maturité me permettent d’apprécier la présence intemporelle qui se dégage de chaque tableau.
Mon père a peint toute sa vie durant, et peint encore, comme la rivière coule : au rythme des jours et des saisons, sans rechercher une vaine notoriété, loin des mondanités, à la manière d’un moine effectuant chaque matin ses prières.
L’homme et le peintre, le père et le professeur n’ont qu’un visage, celui de sa générosité, de son exigence, et bien sûr de ses éclats de rire.
Il m’a appris la plus belle des leçons en peinture et dans la vie, celle qui vise à s’effacer devant le mystère de la création : savoir écouter d’abord (travail de l’inconscient sensible) les taches de couleurs que l’on pose sur la toile, se laisser guider par elles, et tâtonner ensuite sans avoir peur de ses maladresses, se reprendre dix fois peut-être, mais toujours mû par la recherche exigeante d’un équilibre. La peinture naît d’un combat avec la matière. Regardez les troncs de ses arbres, les fleurs, les terres labourées… La peinture s’inscrit dans l’humble voie du travail de la nature et des hommes, par sa lenteur d’élaboration comme par la spontanéité de certains traits, étincelles d’infini, par les nombreuses retouches aussi et l’accumulation de matière qui en découle, dans une tension toujours soutenue, vers l’éclatement de la vie, le dévoilement de la présence.
Au cours des décennies ses peintures, qu’elles s’assombrissent comme dans certaines scènes d’atelier ou exhalent une vitalité colorée comme dans ses magnifiques visions dantesques ou dans son mystique Chemin rouge, qu’elles figurent par une extrême maîtrise du dessin ou qu’elles tendent vers l’abstraction, ses peintures disent « l’éclat du premier matin du monde », lui permettent d’advenir encore et malgré tout.
Le 10 mars 2024
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